Les courtiers à travers l'histoire....

« Courtier rédigeant un contrat d’assurance »

Des liens étroits avec le commerce

Le courtage est une activité qui est depuis toujours très étroitement liée au commerce. Le métier de courtier tel que nous le connaissons aujourd’hui résulte d’une longue histoire qui trouve ses origines au Moyen-Âge, et peut-être même bien avant puisque le commerce existe depuis des temps immémoriaux…

Biens divers, biens immobiliers, vins, automobiles, crédits, assurances, placements financiers et produits boursiers… Le métier de courtier est aujourd’hui encore une profession aux multiples facettes en ce sens qu’il existe des courtiers exerçant dans de nombreux domaines et sur de nombreux marchés.

En tout état de cause et quelques soient leurs domaines d’intermédiation, les courtiers ont toujours eu pour fonction première de favoriser les échanges commerciaux et d’accroître la liquidité des marchés. L’étymologie du mot courtier nous renseigne d’ailleurs sur cette fonction d’accélérateur d’échanges commerciaux puisqu’il est issu de l’occitan « Corratièr », mot composé du radical correr (verbe courir – le courtier servant d’intermédiaire entre l’acheteur et le vendeur) et du suffixe -atier, très fréquent en occitan (« De l’oc au français : Diccionari dels mots franceses que venon de l’occitan » Florian VERNET, 2011).

Suivant les époques, en fonction des domaines dans lesquels ils exerçaient, les courtiers étaient tantôt des fonctionnaires institués par l’autorité publique, tantôt des personnes privées intervenant en leur nom propre.

L’essor de la profession et ses liens avec la finance

La profession trouve ses origines en France en 1304, date à laquelle Philippe Le Bel crée par ordonnance la profession de « courratier de change ». L’année suivante, en 1305, il établit par ordonnance douze « courratier de change royaux » qui ont le droit exclusif de changer les monnaies et matières métalliques. En juin 1572, par un édit de Charles IX le courtage est érigé en office. Le monopole des négociations est ultérieurement établit en 1598 par Henri IV, qui interdit l’exercice du courtage sans possession d’un office dûment acheté à l’État, contre finance (« Égalité et privilège : le monopole des Agents de change (1305-1987) » [article], Jean-Marie THIVEAUD, Reveue d’économie financière, année 1987 – 3 –  pp.105-109).

Les courratiers ont eu un rôle central dans le développement des marchés boursiers puisqu’au sein des foires ils avaient pour fonctions de s’assurer de la solvabilité des acheteurs et de vérifier si les prix pratiqués par les vendeurs correspondaient bien aux prix du marché. Ils étaient alors investis de la charge exclusive « de constater le cours du change, celui des effets publics, marchandises, matières d’or et d’argent, et de justifier devant les tribunaux ou arbitres la vérité et le taux des négociations, ventes et achats (Décret du 29 ventôse an IX [20 mars 1801], art. 7) »

Dès son origine, la profession bénéficiera d’une logique de monopole régi par le Roi de France puis par l’État. Ceux qu’on appelait par la suite les « agents de change » étaient, de 1801 à 1988, les seuls intermédiaires financiers habilités à négocier l’achat et la vente de titres cotés à la Bourse de Paris, et bénéficiaient d’un statut d’officiers ministériels tout en exerçant une activité commerciale dans des sociétés de droit privé. Ils officiaient dans les villes de Toulouse, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes et Paris (« Nouvelles des archives. Aux sources de l’histoire boursière : les archives de la Compagnie des agents de change« , Paul LAGNEAU-YMONET, Angelo RIVA, dans Entreprises et histoire 2010/1 (n° 58), pages 179 à 182).

Pour ce qui est des marchés financiers le courtage était autrefois une activité fondamentale car, en l’absence des technologies du numérique, il était nécessaire de centraliser des ordres de bourse au travers d’une profession dédiée. C’est donc en s’adossant au secteur financier que le métier a connu un large développement. La profession d’agent de change perdura jusqu’à la réforme de 1987 qui précipita sa disparition avec l’informatisation des transactions boursières et l’ouverture du courtage à la concurrence.

À partir de 1988 la plupart des charges d’agents de change sont transformées en sociétés de bourse, souvent rachetées par d’autres établissements et notamment par des banques désireuses de développer leurs activités dans le domaine de la finance de marché.

 

« L’agent de change, après la Bourse » par Daumier (1837)

Courtiers de Commerce et Courtiers d'Assurances, Jeton 1833 gravé par Caqué, poinçon lampe, Gailhouste

Courtiers de Commerce et Courtiers d’Assurances, Jeton 1833 gravé par Caqué

La multipolarisation de la profession

Avec la promulgation de la loi du 28 ventôse an IX relative à l’établissement des bourses de commerce, les courtiers de commerce voient leurs attributions et leur police officiellement déterminées. En échange d’un monopole sur les opérations, leurs responsabilités et leurs cautionnements sont nettement précisés. Dès lors la profession va connaître un développement régulier et les attributions des courtiers vont se diversifier au fur et à mesure de l’essor du commerce (« Bourses de commerce, courtiers de commerce et agents de change Ancien Régime – env. 1866″ Archives Nationales, F/12/946 à 980, 4554 à 4616, 6176 et 8491, Répertoire numérique et répertoire-index établi par Christiane DEMEULENAERE-DOUYERE, 2008, pp. 3 et 4).

Dans son article 77, le Code de commerce promulgué en 1807 distinguait ainsi quatre types de courtiers: les courtiers de marchandises, les courtiers d’assurances, les courtiers interprètes et conducteurs de navires, et les courtiers de transport par terre et par eau. À Paris, il existait également des courtiers-gourmets piqueurs de vins auprès de la bourse des vins de Bercy (créés par la loi du 15 décembre 1813, art. 16). 

Pendant une grande partie du XIXe siècle (jusqu’en 1866), ces professions restent soumises au régime fixé par l’ordonnance du 3 juillet 1816, laquelle règle le mode de transmission, donnant aux agents de change et aux courtiers de commerce démissionnaires ou à leurs ayants droit la faculté de disposer de leur place à la condition de présenter et de faire agréer leur successeur par le Gouvernement. Cette situation perdure jusqu’à la loi du 18 juillet 1866 qui prescrit qu’« à partir du 1er janvier 1867, toute personne sera libre d’exercer la profession de courtier de marchandises ».
À partir de cette date, et contrairement aux agents de change, l’exercice de la profession de courtier de marchandises devient entièrement libre et ne nécessite plus d’agrément préalable. C’est ainsi que l’activité de courtage va discrètement se développer dans divers domaines liés à l’intermédiation en marchandises et biens divers.

Diverses règlementations viendront peu à peu encadrer l’exercice du courtage sur ces nouveaux marchés. Parfois l’appellation de courtier sera même abandonnée au profit d’appellations plus spécifiques. C’est ainsi par exemple que les courtiers exerçant une activité d’intermédiation en biens immobiliers deviendront des « agents immobiliers » au début du XXe siècle.

Le statut de conseiller juridique et financier

Le développement des transactions boursières, de l’industrie, du négoce et des moyens de communication à partir du XIXe siècle confère à la profession une importance de plus en plus considérable, justifiant l’abondante réglementation dont elle fait encore aujourd’hui l’objet. En outre, dans les domaines pour lesquels les répercutions patrimoniales sont les plus importantes pour les clients, les courtiers sont devenus de véritables experts, attirant dans la profession nombre de juristes susceptibles de délivrer un conseil juridique ou financier.

C’est ainsi qu’en matière d’intermédiation en produits financiers, assurances et services de paiement, les courtiers disposant des qualifications nécessaires assurent tout naturellement un rôle de conseiller juridique, patrimonial et financier similaire à celui des conseils en gestion de patrimoine (CGP). En effet, certains courtiers disposent de par leur formation juridique de la compétence juridique appropriée (CJA) au sens de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. CJA leur permettant, au même titre que certains conseillers en gestion de patrimoine et experts-comptables, de délivrer des consultations juridiques ou rédiger des actes à titre accessoire de leur activité principale. Cette qualification étant par ailleurs souvent cumulée avec le statut de conseiller en investissement financier (CIF) créé par la loi de sécurité financière n° 2003-706 du 1er août 2003, leur permettant de cumuler les fonctions de courtier et de conseiller patrimonial.

De nos jours une appellation émerge peu à peu afin de qualifier les courtiers qui exercent à la fois des activités de courtage et des activités de conseil patrimonial, celle de « Courtier conseil ».